Le briefing de l’industrie, de la mode et du textile en Chine, par Renaud Nicolas Petit
Chaque semaine, l’essentiel de la presse chinoise sur l'industrie, le textile et l'économie circulaire. En français, pour comprendre la Chine et les impacts de ses dynamiques sur le monde.
Sommaire :
Édito :
En matière de mode, Pourquoi les chinois préfèrent-ils désormais consommer chinois ?La revue de presse :
Mode : Pour la Chine, la contrefaçon freine le développement des ses marques à l’international.
Textile : Étude de cas : la ville textile de Shengze érigée en exemple partage ses bonnes pratiques en matière d’innovation et de commerce.
Développement durable : À Pékin, une stratégie originale pour la collecte des textiles usagés.
La Chine et les autres : Xi Jinping se veut rassurant sur la possibilité d’une guerre sino-américaine.
Edito
En matière de mode, Pourquoi les chinois préfèrent-ils désormais consommer chinois ?
La Chine approche du terme de son grand programme de développement Plan Made in China 2025 (中国制造2025), un plan stratégique gouvernemental lancé en 2015, à l’époque déjà sous Xi Jinping et Li Keqiang qui visait à faire sortir la Chine du statut d’usine du monde et la transformer en puissance industrielle de pointe, avec une production à haute valeur ajoutée.
Le plan s’organise avec 3 objectifs clés :
Moderniser l’industrie (l’appareil industriel en soi)
Encourager l’innovation en subventionnant largement, ce qui crée des tensions aujourd’hui.
Favoriser le développement durable.
Ce plan s’appuie principalement sur quelques secteurs clés identifiés par le pouvoir : les technologies de l’information, la robotique, l’aéronautique, l’automobile…
Le textile n’est pas autant et directement concerné et ne connaît pas les afflux de subvention de l’automobile électrique, par exemple. Bien qu’exclu des secteurs prioritaires, le textile a néanmoins profité du cadre global de modernisation et d’un retour en force de la fierté nationale.
Les effets indirects du plan sur l’industrie textile chinoise sont significatifs. Les avancées en robotique et en technologies intelligentes ont permis une modernisation rapide des usines de production textile qui s’en retrouvent plus compétitives encore. En parallèle, la protection accrue du marché intérieur et une promotion active du patriotisme économique, incarnée par le concept de Rêve Chinois (中国梦) lancé en 2013, ont stimulé la consommation de marques locales.
Résultat : nombreux sont désormais les chinois convaincus que consommer chinois en priorité, y compris en matière de mode, est bénéfique pour le pays tout entier mais aussi pour eux individuellement puisque c’est une manière d’accéder à des produits de très haute qualité. L’image du Made in China, longtemps jugée négativement même par les chinois, s’est redéfinie, mais surtout en interne.
La revue de presse
👗 Mode : Pour la Chine, la contrefaçon freine le développement des ses marques à l’international.
Source : ZhenQuan ZhiXing (证券之星) 19 novembre 2024
D’un point de vue occidental, c’est l’arroseur arrosé : SHEIN, le géant chinois de l’ultra fast-fashion, se dit victime de plagiat massif dans le monde entier. La marque a réussi à obtenir plusieurs ordonnances judiciaires aux États-Unis pour protéger ses designs contre 35 vendeurs copieurs. Pour la presse chinoise, ces pratiques nuisent à la réputation des marques chinoises et sont, au moins en partie, responsables du ralentissement de leur croissance. SHEIN ainsi que Rotita, une marque chinoise plus haut de gamme, s’indignent que des pratiques frauduleuses soient tolérées "voire encouragées” par certaines plateformes. Rappelons qu’en Occident, de nombreuses marques et créateurs indépendants accusent SHEIN de copier leurs designs. H&M a d’ailleurs poursuivi la marque en justice (comme l’évoque ici le média Fashion United). Les marques chinoises qui se disent victimes de plagiat demandent donc une coopération internationale plus forte pour protéger leurs droits de propriété intellectuelle.
🧵 Textile : Étude de cas : la ville textile de Shengze érigée en exemple partage ses bonnes pratiques en matière d’innovation et de commerce.
Source : XHBY (新华报业网), 12 novembre 2024
La ville de Shengze, située dans la province de Jiangsu, est la plus grande base de production de fibres synthétiques de Chine. Elle rassemble un tissu de plus de 2 000 PME productrices de textile, et près de 10 000 sociétés pour en orchestrer le commerce. Depuis le début de l'année, Shengze affiche une croissance à deux chiffres de ses exportations. Les autorités chinoises entendent donc faire de cette ville un modèle pour les autres. La presse énumère donc grossièrement les bonnes pratiques de Shengze : des événements réguliers pour faire se rencontrer fabricants de textiles et acheteurs, mais surtout des investissements conséquents en R&D pour concevoir de nouvelles matières. Manifestement, les tissus innovants conçus à Shengze et les plus appréciés à l'international sont ceux avec les meilleures propriétés isolantes. L’article parle notamment d’un tissu développé à Shengzhe et capable d'afficher “une différence de température de 10 °C par rapport aux tissus conventionnels”. Selon Jin Xiaolong, responsable des exportations chez Lixin Group, cette innovation a fait grimper le prix de ce tissu de 20 yuans le mètre à 130 yuans le mètre.
Autre bonne pratique des entreprises de Shengze : déployer des équipes de dizaines de commerciaux basés à l'étranger et miser sur la Turquie, l'Egypte et l’Afrique du Sud plutôt que sur l’Europe.
♻️ Développement durable : La Chine réclame plus de coopérations internationales pour toujours mieux exporter ses énergies vertes.
Source : China Today (今日中國), 12 novembre 2024
Le 6 novembre, le septième Forum économique international de Hongqiao a accueilli un forum sur le thème “Commerce durable face aux bouleversements climatiques mondiaux”.
L’occasion pour la Chine de rappeler son point de vue selon lequel la transition ne peut se faire sans coopération internationale complète et de glisser un petit réquisitoire contre les barrières commerciales, au lendemain de l'élection de Trump qui menace d’augmenter à 60 % les tarifs douaniers sur les produits importés de Chine. "Toute politique freinant la transition vers une économie verte mondiale, particulièrement les restrictions commerciales excessives, risque de complexifier davantage la coopération climatique internationale.”, disent les représentants chinois. Un point de vue soutenu par Pascal Lamy, ancien directeur général de l’OMC.
Très original d’un point de vue européen, la Chine se demande aussi si elle ne produit pas trop d'énergies vertes. Xinhua précise que cette critique est formulée non pas par des observateurs chinois eux-mêmes, mais par “certaines voix à l’étranger”.
“La Chine est aujourd’hui le plus grand producteur d’énergie propre au monde. Plus de la moitié de sa production énergétique provient de sources renouvelables", a souligné Wang Huiyao, fondateur et président du think tank Center for China and Globalization. Dès 2021, la Chine s’est positionnée comme le premier exportateur d'énergie verte, en tenant 14,6 % du commerce mondial dans ce domaine. En fait, c’est plutôt la position hégémonique de la Chine qui semble déranger les internationaux. Ce à quoi la Chine répond que les besoins à l’échelle mondiale ne sont pas encore remplis, et qu’il est donc impossible qu’un pays soit en situation de surproduction d'énergie verte.
🌏 La Chine et les autres : Xi Jinping se veut rassurant sur la possibilité d’une guerre sino-américaine.
Sources : Renmin Wang (人民网), 18 novembre 2024
"Le piège de Thucydide n'est pas une fatalité historique. Une guerre froide ne peut ni être déclenchée, ni être remportée. Par conséquent, la politique de containment à l’égard de la Chine n’est ni judicieuse, ni inappropriée et ne peut être que vouée à l’échec.” a déclaré le président Xi Jinping à Lima.
Le piège de Thucydide décrit le conflit armé dans lequel risquent de se retrouver deux pays lorsqu’une puissance montante menace de supplanter une puissance dominante.
Xi Jinping se veut donc à la fois rassurant, mais ferme. Au sommet de l’APEC, le dirigeant chinois a pris soin de rappeler les progrès récents dans les relations sino-américaines, notamment la réactivation de plus de 20 mécanismes de dialogue dans des domaines stratégiques comme la diplomatie, le commerce, la sécurité ou le climat. Dans le même temps, il a insisté sur la nécessité de respecter les lignes rouges de la Chine, notamment sur Taïwan et les droits au développement.
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