Sinarum #11 - Comment shoppent les Chinois - le plus grand marché textile du monde - un nouvel ambassadeur à Paris : Le briefing de l’industrie, de la mode et du textile en Chine
Chaque semaine, l’essentiel de la presse chinoise sur l'industrie, le textile et l'économie circulaire. En français, pour comprendre la Chine et les impacts de ses dynamiques sur le monde.
Sommaire :
Édito : Comment shoppent les Chinois ?
La revue de presse :
Mode : 2 marques citées en exemples de la nouvelle stratégie internationale des marques chinoises.
Textile : Keqiao : un chiffre d’affaires record de 508 milliards d’euros pour le plus grand marché de textile au monde.
La Chine et les autres : Le nouvel ambassadeur de Chine à Paris symbolise-t-il une rupture dans la stratégie chinoise vis-à-vis de l’Europe ?
Edito
Comment shoppent les Chinois ?
En matière de mode, et même de luxe, les habitudes d'achat des consommateurs chinois diffèrent profondément de celles des consommateurs Occidentaux.
Si à Paris, Londres ou Milan, les marques (et les consommateurs) continuent de valoriser les expériences d'achat en boutique physique, qu’elles enrichissent souvent par des éléments sensoriels et des services personnalisés, le marché chinois se caractérise par la puissance qu’y exercent les e-boutiques multimarques tierces, comme DeWu / 得物. Ces plateformes surpassent bien souvent, en volume de ventes, les sites propriétaires des marques elles-mêmes. Des marques comme Canada Goose ou Moncler réalisent par exemple jusqu'à 15 fois plus de ventes sur DeWu que sur leurs propres corners Tmall (une sorte de grand magasin en ligne). Même constat sur des produits au positionnement plus luxe, notamment dans la joaillerie. Ces acteurs quasi-absents en Occident ont développé un pouvoir de négociations important, à tel point qu’ils peuvent parfois contraindre les marques occidentales à revoir leurs marges.
Les consommateurs chinois sont également bon clients de services annexes qu’offrent ces boutiques en ligne : essayage virtuel, livestreams interactifs de présentations de produits… Des activités et des services que les marques occidentales développent peu sur leurs marchés d’origine.
Fait intéressant : les chinois représentent aussi une part importante des acheteurs de mode et de luxe dans les boutiques physiques en France. Les attentes diffèrent donc si l'achat est effectué en France ou en Chine.
La revue de presse
👗 Mode : 2 marques citées en exemples de la nouvelle stratégie internationale des marques chinoises.
Source : CF Bond (中国财富网) 06 janvier 2025
Nous en parlions dans l’édition précédente de Sinarum : l’industrie de la mode chinoise veut évoluer, d’une stratégie visant l’exportation de produits à une stratégie visant l’exportation de marques. Les marques chinoises sont donc incitées à accélérer leur déploiement international.
Cette semaine, la presse chinoise donne notamment en exemple les feuilles de routes de deux marques : Benlai / 本来 et URBAN REVIVO (UR), du groupe FMG.
En décembre 2024, Benlai et UR ont toutes deux franchi une étape majeure en inaugurant conjointement des boutiques dans le nouveau centre d'affaires de la capitale thaïlandaise, One Bangkok.
Mais l’Occident est visé tout aussi rapidement que les pays voisins d’Asie. De l'aveu du PDG Li Mingguang, l'ouverture de magasins en Occident, à New York et à Londres, est prévue dès 2025, une couverture complète des principales régions de l’Asie-Pacifique d’ici 2 ans et un objectif de plus de 200 boutiques internationales d’ici 5 ans.
De quel type de marque parle-t-on ?
Benlai se positionne sur le segment des vêtements fonctionnels et techniques, entre tenue de sport et vêtements décontractés. Couleurs pâles, coupes confortables, une sorte d’Uniqlo légèrement plus sportswear, à des prix très abordables.
UR, quant à elle, vise une clientèle plus jeune avec des designs modes et des prix tout aussi bas. Comptez environ 45 euros pour un sac en simili cuir, 55 euros pour une veste en jeans. Sur son site, la marque affiche déjà une identité internationale, avec des mannequins blanches, noires, asiatiques. A ce stade, il semble que cette stratégie d’exportation de marques plutôt que de produits concerne davantage des marques d’entrée et de milieu de gamme.
🧵 Textile : Keqiao : un chiffre d’affaires record de 508 milliards d’euros pour le plus grand marché de textile au monde.
Source : XinHua (新华网), 06 janvier 2025
Avez-vous déjà entendu parler de Keqiao ? Cette partie de la ville de Shaoxing, située à quelques kilomètres de Shanghai, constitue le principal hub du textile en Chine, et parmi les premiers au monde. Keqiao abrite notamment la China Textile City, un marché B2B de plusieurs centaines de milliers de mètres carrés entièrement dédié aux textiles. Jusqu’à 30 000 entreprises y exposent leurs produits. Il s’agit là du plus grand centre mondial de distribution de textiles, où environ un quart des tissus produits dans le monde sont échangés chaque année.
Cette semaine, de très nombreux articles de la presse chinoise annoncent un cap historique pour ce méga-marché du textile : un chiffre d’affaires de 508 milliards d’euros en 2024, marquant une hausse de 11 % par rapport à l’année précédente.
Selon la presse chinoise, trois facteurs majeurs sont avancés pour expliquer ce succès. D’abord, une meilleure numérisation des chaînes logistiques et une plus grande diversification des segments de marché représentés. Ensuite, le succès de la stratégie des “Routes de la soie de Keqiao / 丝路柯桥·布满全球” qui connecte mieux la ville au reste du monde.
Enfin, c’est le segment des tissus techniques et sportswear qui semble avoir le plus porté le développement de la Textile City cette année. Nous l’évoquons souvent dans Sinarum, la Chine veut devenir leader de l’innovation et de la production de fibres à hautes performances techniques (résistances à l’eau, aux UV, aux tensions, etc.).
🌏 La Chine et les autres : Le nouvel ambassadeur de Chine à Paris symbolise-t-il une rupture dans la stratégie chinoise vis-à -vis de l’Europe ?
Source : Zhongguo LiaoWang (中国瞭望) 07 janvier 2025
La presse se demande si la nomination de Deng Li comme nouvel ambassadeur de Chine en France annonce un tournant dans les relations diplomatiques entre les deux pays. L’ancien ambassadeur Lu Shaye s'était rendu célèbre pour son style agressif de “loup guerrier”, stratégie défendue à l’époque par Pékin, et qui n'hésitait pas à verser dans la désinformation et l’outrage. En 2021, il avait notamment accusé les personnels des maisons de retraite françaises d’avoir abandonné leurs postes pendant la pandémie de Covid 19. Lu avait également insulté via Twitter le chercheur Antoine Bondaz de “petite frappe” et de “hyene folle” lorsque celui-ci avait dénoncé les pressions chinoises sur des parlementaires français souhaitant se rendre à Taïwan. En 2023, il avait également remis en question la souveraineté des pays de l’ex-URSS.
Son remplaçant, Deng Li, est présenté comme nettement plus modéré. A 58 ans, le nouvel ambassadeur possède une expérience plus riche et a occupé plusieurs postes clés au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe. En Chine, il s’est illustré en tant que et Vice-Ministre des Affaires étrangères, mais aussi comme l’un des acteurs des nouvelle routes de la soie “Yi Dai Yi Lu / 一帶一路”. Son profil laisse entrevoir une volonté de la part du Parti Communiste chinois de rétablir un dialogue constructif, à un moment où Pékin est confronté à des défis internes et internationaux majeurs.
En plus des inquiétudes liées à l’état de son économie, la Chine se trouve effectivement dans un contexte géopolitique délicat, notamment avec les États-Unis. La Chine cherche peut-être à renforcer des liens avec l’Europe qui se sont passablement dégradés au cours des dernières années. Des efforts qui arrivent peut-être un peu tard, de l’aveu de l’article, à un moment où l’Union européenne adopte une posture de plus en plus ferme vis-à-vis de la Chine à la fois sur le commerce ou les questions internationales comme la guerre en Ukraine et le rapport à la Russie.
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