Sinarum #16 - En Chine, le textile est un patrimoine puissant : Le briefing de l’industrie, de la mode et du textile en Chine
Chaque semaine, l’essentiel de la presse chinoise sur l'industrie, le textile et l'économie circulaire. En français, pour comprendre la Chine et les impacts de ses dynamiques sur le monde.
Sommaire :
Édito : Quelle utilisation stratégique la Chine fait-elle de son patrimoine immatériel textile ?
La revue de presse :
Au Musée du textile de Qingdao, l’histoire textile est un héritage révolutionnaire.
À Canton, entre les méga-usines de confection contemporaines, le défi de la transmission du patrimoine immatériel textile.
Edito
Quelle utilisation stratégique la Chine fait-elle de son patrimoine immatériel textile ?
L'Asie constitue un hub du patrimoine immatériel, la région la plus dynamique sur le plan du recensement, de la formation et de la promotion de ces patrimoines, avec 3 centres dédiés sur les 8 que compte la planète. Pékin en accueille un depuis 2012. Cet engagement s'inscrit dans une dynamique régionale portée également par le Japon et la Corée du Sud.
En Chine, le textile occupe une place particulière dans cet héritage culturel. La soie évidemment, symbole mondialement connu de la culture chinoise, n'est que l'arbre qui cache la forêt d'un savoir-faire textile diversifié. Le tissage Li en est un autre exemple. Récemment inscrit au patrimoine immatériel de l'UNESCO en 2023, il constitue l’une des deux entrées de la Chine à l’UNESCO sur les questions textiles, avec l’artisanat du brocart Yunjin de Nanjing.
Les minorités ethniques chinoises participent également à cet écosystème patrimonial.
Elles sont notamment reconnues pour leurs techniques d'anoblissement. Les Miao, par exemple, sont réputés pour leurs broderies, mais aussi pour leurs batiks. Le patrimoine immatériel textile revendiqué en Chine touche aussi à d’autres activités comme la teinture, un créneau sur lequel le Japon est historiquement mieux reconnu et tient toujours une place dominante dans l’imaginaire international.
La question est un enjeu important pour le Parti. Une Conférence sur le patrimoine immatériel textile chinois (中国纺织非物质文化遗产大会) est, par exemple, organisée chaque année depuis 8 ans. Les savoir-faire textiles sont aussi pris en compte dans les listes nationales du patrimoine immatériel.
La Chine s’attache à préserver et à promouvoir ces savoir-faire, bien que ses efforts se concentrent principalement sur le marché intérieur. Depuis une dizaine d’années, de nombreuses provinces ont développé leurs propres centres de promotion du patrimoine immatériel. Ces initiatives régionales sont toutefois hétérogènes : la qualité et le rayonnement de ces structures varient grandement d'une région à l'autre.
Le rayonnement international est encore timide.
La Chine est encore au stade de lister les savoir-faire, de les promouvoir en interne. Une communication internationale commence à émerger mais elle reste balbutiante. En février 2025, par exemple, seules deux maisons chinoises ont présenté leurs métiers d'art au salon Première Vision à Paris.
La communication officielle du gouvernement chinois fournit aussi quelques exemples plus consistants. Le 26 septembre 2024, pendant la Fashion Week de Paris, était organisé un événement très officiel au Centre Oriental de Paris, le “Défilé des costumes du patrimoine immatériel de Chuxiong, Chine”, en présence de Chen Dong, ministre de l’Ambassade de Chine en France, ou encore de Dong Yan, Vice-directeur du centre de développement de la communication internationale de Chine. Il était surtout question de broderie de la minorité Yi de cette région du sud de la Chine. Une centaine de participants étaient conviés, dont moi-même et, il faut le dire, une majorité de personnes chinoises ou d’origine chinoise basées en France, signe peut-être d’une difficulté à toucher un public international plus large.
L’étape de la valorisation sur le plan véritablement commercial n’est pas encore franchie.
Contrairement à la France, qui dispose, par exemple, du Comité Colbert comme guichet unique pour son artisanat de luxe, la Chine ne possède pas d’organisation centralisée pour promouvoir ses savoir-faire. Ce frein réside en partie dans son organisation politique : chaque province gère de manière autonome ses traditions artisanales. En résulte une promotion fragmentée et peu lisible à l’étranger. Cette complexité administrative limite la visibilité et l’accessibilité de ces savoir-faire sur le marché international.
La veille qui suit explore deux enjeux supplémentaires liés au patrimoine immatériel textile en Chine. Un dossier plus détaillé sera bientôt disponible. N'hésitez pas à me contacter d’ici-là si le sujet vous intéresse !
Par Renaud Nicolas Petit
La revue de presse
🔷 Au Musée du textile de Qingdao, l’histoire textile est un héritage révolutionnaire.
Source : Life China (中华网生活), 4 février 2025.
Témoin de l’essor du secteur textile dans la région, le Musée du textile de Qingdao illustre, comme le dit l’article, à la fois “les heures de gloire du passé, les défis de la transformation actuelle et les promesses de l’avenir”. L’industrie textile, souvent qualifiée en Chine de "mère de l’industrie", a effectivement joué un rôle clé dans le développement économique de la ville et de sa région.
L’histoire commence à la fin du XIXᵉ siècle, lorsque Qingdao devient un centre industriel sous influence coloniale occidentale. Mais c’est surtout sur l’histoire communiste de la Chine que se déploie un récit intéressant et plus orienté au musée. C’est après 1949, avec la fondation de la République populaire que le textile connaît son âge d’or.
Soutenue par des politiques nationales, l’industrie prospère alors, d’ateliers sales et dans lesquels les conditions de travail étaient difficiles, vers un écosystème complet, de l’approvisionnement en matières premières à l’exportation. Les ouvriers textiles, nous dit-on, jouissent alors d’un grand prestige social. Ils incarnent l’esprit de coopération et d’innovation. Le musée célèbre cet engagement à travers des expositions consacrées aux modèles de travail exemplaires.
Aujourd’hui, c’est toujours accompagné de l’État que l’industrie textile de Qingdao évolue pour devenir un secteur ultra-innovant et un centre de la mode durable, “à l’avant-garde du secteur textile durable”, lit-on dans l’article.
Le musée met également en lumière l’importance du textile dans d’autres révolutions chères à l'histoire politique et sociale de la Chine. Dès le mouvement de 4 mai 1919, les ouvriers textiles de Qingdao participent activement aux luttes pour l’indépendance et la souveraineté nationale.
🔷 À Canton, entre les méga-usines de confection contemporaines, le défi de la transmission du patrimoine immatériel textile.
Source : Dayoo News (大洋网), 12 février 2025
À Guangzhou (le nom chinois de Canton), la présidente de l'Association des designers de mode de la ville, s’est donné pour mission de préserver et valoriser le patrimoine immatériel textile via la création d'un musée du textile et de la mode.
Ce musée permettrait, dit-elle, de relier la tradition textile de la ville et sa production moderne en présentant l'évolution du textile à Guangzhou. Un moyen de communication efficace pour une région dont l'image oscille entre celle d'un centre d'innovation technologique de premier plan et celle d'un hub de production de masse pour des vêtements de basse qualité.
Toutefois, la mise en œuvre de ce projet se heurte à un manque de soutien institutionnel. La porteuse du projet insiste pourtant sur l'importance de protéger et de valoriser ces savoir-faire face à la modernisation rapide de l'industrie textile chinoise. Elle souligne que l'intégration du patrimoine immatériel dans le secteur de la mode pourrait renforcer l'identité culturelle de Guangzhou avec, à la clé, un potentiel avantage compétitif à l'international.
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