Sinarum #26 - Le textile chinois affirme sa résilience
Chaque semaine, l’essentiel de l'actualité chinoise sur l'industrie de la mode, le textile et l'économie circulaire. En français, pour comprendre la Chine et l'impact de ses dynamiques sur le monde.
Sommaire :
Édito : La France, malheureusement victime collatérale de la bataille sino-américaine
La revue de presse :
Textile : En mettant en avant des entreprises résilientes, la presse chinoise donnent les exemples à suivre
Commerce : Shenzhen réaffirme - et cherche à booster - sa place de hub mondial du e-commerce
Edito
La France, malheureusement victime collatérale de la bataille sino-américaine.
Depuis le 10 avril, sur TikTok, une vague de vidéos met en scène des responsables d’usines chinoises qui prétendent dévoiler les dessous de la production du luxe occidentaux. Concrètement, ces usines affirment qu’elles fabriquent, sans que vous ne le sachiez, les produits Hermès, Dior, Chanel ou Vuitton, et proposent aux consommateurs de les acheter pour une fraction du prix pratiqué par ces grandes marques, directement en sortie d’usine. Le luxe, directement à la source.
“Venger les exportations chinoises ! / 给中国出口恶气 !”
Sous prétexte de transparence, ces vidéos participent à une guerre d’image et constituent une riposte aux mesures protectionnistes américaines.
Toutefois, plusieurs médias internationaux ont déjà enquêté sur le phénomène et parlent d’une “offensive coordonnée" et de “fausses informations” puisque les produits présentés sont en fait, des contrefaçons et des copies.
Problème : même si ces contenus visent clairement les États-Unis (les vidéos sont en anglais, les prix en dollars) ce sont bien souvent des marques françaises qu’on salit. Le luxe européen est pris en otage, dans un affrontement dont la France, sans en être l’instigatrice, subit les conséquences.
Il y a un point positif à signaler toutefois : sur ce sujet, certaines voix chinoises s’élèvent aussi. On trouve sur des plateformes chinoises d’expression en ligne comme celle de NetEase (网易) des textes publiés en chinois, par des chinois, et qui dénoncent ce phénomène, critiquent cette instrumentalisation et rappellent que ces produits sont bel et bien des copies illégales
Par Renaud Nicolas Petit
La revue de presse
🧵Textile : En mettant en avant des entreprises résilientes, la presse chinoise donne les exemples à suivre
Source : Ifeng (凤凰新媒体), 22 avril 2025
Dans un contexte international ultra-tendu, la presse chinoise met en scène un récit bien rodé : celui d’une industrie textile nationale résiliente, audacieuse, et technologiquement avancée, avec des entreprises “prêtes pour résister aux chocs”. Comme souvent en Chine, le propos est illustré par des exemples concrets de success stories ou d’entreprises modèles.
Le récit nous porte alors à Jinjiang, dans la province de Fujian. La ville est réputée notamment pour sa production de chaussures de sport et de vêtements. Jinjiang devient alors le théâtre d’une stratégie narrative plus large qui donne l’air de vouloir galvaniser les entrepreneurs chinois.
L’article cite “l'esprit combatif qui anime la population locale”, “l’audace et la volonté de réussir, moteurs puissants face aux turbulences du marché mondial.”
Il met ensuite en lumière une série d’initiatives d’entreprises textiles locales qui ont su miser sur l’automatisation et la diversification pour affronter les secousses du commerce mondial. On découvre notamment l’exemple emblématique d’une entreprise qui fabrique des pièces détachées de chaussures, dotée de 2 000 machines à tricoter, et qui emploie à peine 1 ouvrier pour 10 machines.
Message : dans le contexte actuel, la réussite passera aussi par l’optimisation des coûts et un effort continu de modernisation.
Le récit se déplace ensuite notamment à Yinglin, un quartier de Jinjiang d’à peine 30 km² et qui concentre plus de 200 entreprises spécialisées dans la production de maillots de bain. Là aussi, des exemples d'entreprises résilientes racontent leurs recettes gagnantes : miser sur un portefeuille produit étendu, explorer l’ensemble du spectre qualité-prix (du premium à l’entrée de gamme), tisser des partenariats partout dans le monde, conseille-t-on, en filigrane, aux entrepreneurs chinois du textile.
🛍️ Commerce : Shenzhen réaffirme - et cherche à booster - sa place de hub mondial du e-commerce
Source : Site du Bureau général du gouvernement de Shenzhen (深圳市人民政府办公厅), 22 avril 2025
On sent bien, en lisant la presse et les communications chinoises, que le pays traverse un moment préoccupant, ou du moins particulier.
Tous les sujets ne mentionnent pas directement la hausse des tarifs douaniers américains, mais la thématique du commerce international infuse partout, et le ton est souvent positif, comme pour montrer que le pays tout entier conserve une dynamique positive et va de l’avant.
Ici, le gouvernement local de Shenzhen donne des clés pour inciter les entreprises locales (et les autres) à commercer depuis Shenzhen vers l’international et met un point d’honneur à rappeler que la ville est bien connectée avec le monde entier, et notamment avec les marchés émergents ( pas uniquement les Etats-Unis).
Pionnière du e-commerce en Chine, il s’agit pour Shenzhen de sortir par le haut de cette situation et d’affirmer, toujours, son statut de hub stratégique pour le commerce en ligne mondial. Aujourd’hui, 16 des 20 plus grandes plateformes de e-commerce transfrontalier sont effectivement implantées à Shenzhen. Elles assurent aux vendeurs un accompagnement global – de la logistique au paiement en passant par le marketing –, ce qui renforce concrètement l’attractivité de Shenzhen comme plateforme d’export numérique.
La stratégie baptisée “Shenzhen + plateformes mondiales”, portée par le Bureau du commerce local en partenariat avec plusieurs géants du e-commerce, s’inscrit dans cette dynamique. Elle cible des marchés en forte croissance : Asie du Sud-Est, Asie centrale, Afrique, Amérique du Sud, Moyen-Orient, Europe… Tout sauf l’Amérique du Nord… Shenzhen veut jouer ici un rôle de tremplin pour les marques et les fabricants chinois qui cherchent à contourner les freins traditionnels à l’exportation et à repositionner la Chine sur la carte du commerce international de demain.
L’article publié sur le site du gouvernement local de Shenzhen liste les grosses plateformes internationales présentes, leurs spécialités, et les marchés sur lesquels elles opèrent.
Une question, une suggestion ?
Si vous souhaitez discuter d’un sujet plus en détails ou si vous avez besoin de conseils