Sinarum #34 - Boutiques, évènements, culture… Paris inspire Pékin
Chaque semaine, l’essentiel de l'actualité chinoise sur l'industrie de la mode, le textile et l'économie circulaire. En français, pour comprendre la Chine et l'impact de ses dynamiques sur le monde.
Sommaire :
Édito : Comment et pourquoi la Chine veut-elle créer un nouvel élan de consommation de la mode ?
La revue de presse :
A Pékin, une association de consommateurs teste des vêtements pour enfants et dévoile plusieurs infractions.
Pourquoi Uniqlo s'empresse de signer une collaboration avec le monstre chinois Labubu ?
Edito
Comment et pourquoi la Chine veut-elle créer un nouvel élan de consommation de la mode ?
La consommation de mode, sous-entendu “de produits tendances”, est désormais une notion officiellement discutée en Chine, à l’échelle du gouvernement central, des provinces et des municipalités. Objectif : renforcer la notion de tendances et l’appétit des consommateurs chinois pour ce type d’achat dans un but de dynamisme économique, faire de la consommation de produits de mode et de produits “à la mode” un pilier stable du développement économique, urbain et culturel.
Pékin en première ligne
Des exemples d’actions concrètes commencent à émerger à l'échelle locale. La municipalité de Pékin, via son Bureau du commerce notamment, vient de lancer un plan d’action spécialement conçu pour développer cet axe de consommation. Un projet dont on peut dessiner 3 grands principes.
D’abord, le développement de nouveaux espaces urbains dédiés à la mode et aux tendances. C’est un changement de modèle pour la Chine, du centre commercial de luxe (quasi inconnus ici en France) vers des boutiques de centre-ville plus propices à la flânerie : des lieux qui mêlent shopping, culture, divertissement et dynamisent le cadre urbain. Ici, pour s’inspirer, Pékin regarde notamment du côté de Paris.
Ensuite, un soutien financier et logistique aux marques qui innovent et œuvrent dans ce sens.
Enfin, le développement d’événements spécifiques liés à la mode, comme les Fashion Weeks de Shanghai ou de Pékin. Là encore, Paris, avec ses salons, ses fashion weeks, ses festivals et leur capacité à attirer les acheteurs du monde entier, est citée en modèle. C’est ici un écosystème qu’il reste à créer : soutenir les projets émergents, développer des rendez-vous phares et une véritable culture de la mode, des concours de design, des expositions, des médias de mode influents capables de rayonner à l’international…
L’action menée à Pékin pourra, par la suite, servir de modèle à d’autres villes chinoises.
Comme il est d’usage en Chine contemporaine, le projet est présenté par les autorités ou par la presse comme logique, respectueux et en lien avec la culture traditionnelle chinoise. On cite notamment les femmes de la dynastie Song (entre 960 et 1279) qui avaient, dit-on, pour habitude de renouveler leurs gardes-robes chaque année.
Le plan est, en fait, 3 en 1.
L’enjeu premier touche à la consommation locale, mais 2 enjeux secondaires viennent compléter et motiver les gouvernements centraux et locaux à investir. En renforçant la consommation de mode et de produits “à la mode” de cette manière, la Chine cherche aussi à identifier des vecteurs d’attractivité urbaine. Le cas de Paris déjà plusieurs fois mobilisé est un exemple emblématique, avec ses quartiers de la mode reconnus mondialement (rue Saint-Honoré, Place Vendôme, Champs Elysées, le Marais…). Des zones qui offrent une mixité d’usage, deviennent des monuments à part entière, symbolisent le poids d’une ville dans le grand écosystème mondial de la mode, et, surtout, attirent des visiteurs par millions. Force est de constater que la Chine ne dispose pas encore de quartier de la mode comparable en termes de renommée, capable d’incarner autre chose qu’un simple espace de consommation. Les quartiers de shopping de Pékin devront aussi devenir des symboles de l’art de vivre et de la finesse.
Il y a ensuite ici un enjeu évident de soft power et de valorisation de la culture chinoise en interne comme en externe. Il s’agit, bien sûr, de faire profiter avant tout les marques et les entreprises chinoises de ce grand projet. Le développement de ce marché ne doit pas bénéficier prioritairement aux marques étrangères, mais contribuer à la montée en puissance et à l’internationalisation des entreprises chinoises.
Par Renaud Nicolas Petit
La revue de presse
🔬 A Pékin, une association de consommateurs teste des vêtements pour enfants et dévoile plusieurs infractions.
Source : Sina Finance (新浪财经 via 中国消费者报), 16 juin 2025
Une enquête comparative menée sur 78 échantillons révèle des défaillances, parfois graves, sur 11 produits.
D’abord, des défauts d'étiquetage. Selon les normes chinoises, l’étiquette d’un vêtement doit notamment indiquer le nom et l’adresse du fabricant, le nom du produit, sa taille, sa référence, la composition du produit, les instructions d’entretien, les normes suivies. Des écarts sont, par exemple, relevés dans les compositions mentionnées sur les étiquettes lorsqu’elles sont comparées aux compositions réelles. Des fibres synthétiques, potentiellement nocives ou allergènes, peuvent ainsi être dissimulées.
Les tests sur les teintures révèlent surtout un risque sanitaire. Plusieurs marques testées présentent des teintures toxiques et mal fixées. Leurs substances nocives peuvent donc être transférées et absorbées par la peau au contact de la sueur, au frottement, mais aussi par simple exposition à la lumière. Un vêtement dont la teinture est peu résistante peut également contaminer d’autres textiles.
L’association en vient à conseiller aux consommateurs de privilégier les vêtements de couleurs claires, moins à risque d’un point de vue sanitaire en cas de mauvaise fixation des teintures. Autre conseil émis par l’association : sentir les vêtements et renoncer à ceux dont l’odeur “chimique” (“刺激性气味” / “不舒服的异味”) est trop forte, signe quasi certain d’une forte concentration de substances nocives.
Un débat sur la toxicité des vêtements et le respect des normes émerge en Chine, avec l’assentiment de l’Etat. Cette actualité a été relayée par plusieurs médias officiels et contrôlés par le PCC.
👗 Pourquoi Uniqlo s'empresse de signer une collaboration avec le monstre chinois Labubu ?
Source : XinHua (新华网), 18 juin 2025
Derrière cette collaboration a priori mignonne se cache peut-être une réalité plus tendue. Uniqlo perd des parts de marché en Chine. En 2023, le pays représentait plus de 20 % du chiffre d’affaires mondial d’Uniqlo et restait son deuxième plus grand marché après le Japon. Au premier semestre de l’exercice 2025, le chiffre d’affaires en Chine a reculé de 3 % et les bénéfices ont chuté de 9 % (pour quelques clés de lecture de la situation en 2024, il est possible de lire une courte présentation du PDG de la branche chinoise d’Uniqlo Pan Ning).
Cette collaboration avec une mascotte émergente et surtout chinoise peut être perçue comme le signe d’une certaine anxiété de croissance de la part d’Uniqlo, et une tentative de se relancer sur le marché chinois.
Pan Ning reconnaît lui-même que l’offre n’est pas suffisamment adaptée aux attentes des consommateurs chinois. Localement, la concurrence est effectivement féroce. Uniqlo fait notamment face à la marque UR, sorte de Zara chinois, dont le chiffre d’affaires pesait déjà plusieurs milliards en 2022. Les Européens H&M et Zara restent aussi très puissants sur le marché chinois.
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