Sinarum #32 - Le boom du segment premium en Chine
Chaque semaine, l’essentiel de l'actualité chinoise sur l'industrie de la mode, le textile et l'économie circulaire. En français, pour comprendre la Chine et l'impact de ses dynamiques sur le monde.
Sommaire :
Édito : En Chine, face à un fast fashion et un luxe en déclin, le premium tire son épingle du jeu
La revue de presse :
Business : Le boom chinois de la mode pour animaux de compagnie
Mode : Un designer chinois gagne des millions en créant des claquettes moches avec l’IA
Edito
En Chine, face à un fast fashion et un luxe en déclin, le premium tire son épingle du jeu
Le marché chinois de la mode traverse une zone de turbulence. Les consommateurs chinois manifestement inquiets par un climat politique et économique incertain, freinent leurs dépenses vestimentaires. Mais un autre segment en difficulté attire moins l’attention. Le cas de l’entrée de gamme est moins fréquemment évoqué médiatiquement mais le segment n’est pas épargné non plus. La fast et l’ultra fast fashion subissent un double revers. D’une part, les consommateurs, plus attentifs à leurs dépenses, achètent moins. D’autre part, un discours critique se renforce en ligne autour de la qualité des produits. La hausse des prix chez Zara ou la réduction des promotions chez H&M n’arrangent rien. Résultat : la croissance du secteur ralentit. Un segment affiche pourtant une santé robuste. Les marques de luxe intermédiaire ou premium, plus accessibles qu’un Chanel ou un Dior, enregistrent des performances quasi indécentes en Chine face aux géants du luxe.
Ces griffes capitalisent sur un positionnement plus pragmatique.
Le luxe sans excès. Coach, par exemple, tire parti du succès de son sac Tabby vendu autour de 450 dollars, une fraction du prix d’un modèle équivalent chez Dior ou Chanel. Ralph Lauren a vu ses ventes bondir de 13 % au premier trimestre 2024, soit près du double des prévisions. Michael Kors, Hugo Boss ou encore Longchamp explosent littéralement et inondent les rues chinoises ces derniers mois. Amer Sports, maison mère de Salomon et Arc'teryx, a même revu à la hausse ses perspectives de croissance.
Si les consommateurs réduisent leurs dépenses, ils n’ont pas renoncé au style ni aux marques
Par un manque de moyens réel ou anticipé, les chinois se rabattent vers un segment de marché inférieur mais ils misent toujours sur des marques reconnues et des logos forts. Une sorte d’alternative qui coche les cases du prestige sans faire exploser le budget. L’appétit des chinois pour la mode n’a pas disparu ni faibli, mais le portefeuille des consommateurs n’est manifestement pas un puits sans fond. Pour continuer à s’en sortir, les marques peuvent donc miser sur un positionnement plus intermédiaire et un élargissement des gammes de prix. Cette réorientation dessine un nouveau paysage de consommation : plus sélectif, plus mesuré, mais toujours aspiré par les codes du luxe.
Par Renaud Nicolas Petit
La revue de presse
🐶 Business : En Chine, le boom de la mode pour animaux de compagnie
Source : BanDao (半岛网), 23 mai 2025
La Chine compte 124 millions d’animaux de compagnie. Le marché des produits pour animaux domestiques atteint aujourd'hui 300 milliards de yuans (environ 35 milliards d’euros), +7,5 % sur un an. La mode sent le filon et nombreuses sont les marques qui décident de miser sur ce créneau pour élargir leurs gammes.
Fin mai, Adidas a officiellement inauguré sa première collection pour animaux de compagnie dans sa boutique flagship de Shanghai. La marque propose donc désormais des t-shirts 100 % coton pour chiens, des colliers en cuir véritable et des sacs en simili cuir. Les prix varient d'environ 200 à 900 yuans (entre 25 à 110 euros). Le géant allemand n’est pas le premier à flairer cette opportunité. En 2022, Gucci lançait sa propre ligne de vêtements, laisses, gamelles et lits premium pour animaux. Céline avait lancé une collection comparable la même année. En dehors de Chine, ces produits sont très populaires au Japon.
L’offre est déjà riche et variée en termes de designs et de prix. La fast fashion participe aussi au mouvement. H&M, Zara proposent aujourd’hui vêtements, coussins et accessoires pour animaux dans leurs boutiques chinoises. Leurs pulls pour chien vendus environ 240 yuans (soit une trentaine d’euros) brillent sur les réseaux sociaux chinois.
Cette frénésie a aussi fait émerger un marché parallèle : celui des produits de luxe pour animaux revendus à prix fort. Certains analystes relativisent toutefois le phénomène et parlent davantage de coups marketing que d’un véritable pivot stratégique. La faible présence de réseaux de cliniques vétérinaires en Chine montre que tout reste à construire et que la priorité de la “pet economy” est sans doute ailleurs.
👗 Mode : Un designer chinois gagne des millions en créant des claquettes moches avec l’IA
Source : 数字生命卡兹克 via WeChat (微信) 05 mai 2025
Il est la star d’un nouveau phénomène culturel en Chine : celui des chaussons et des claquettes moches (丑拖鞋). Le cas de Liu Shiqi fascine. Ce designer s’est fait une spécialité de concevoir des chaussons et des claquettes volontairement laids avec l’aide de l’IA. Ce projet n’est ni une blague, ni un sujet de recherche ou de test puisqu’il a généré 30 millions d’euros en un an
Liu Shiqi est considéré très sérieusement comme une figure montante de l’e-commerce chinois. Avant d’atteindre le succès, Liu Shiqi revendait des produits trouvés sur 1688, la plateforme de vente en gros de Alibaba. Ses produits, laids et conçus à moindre coûts, sont vendus jusqu’à 145 dollars la paire et jusqu’aux États-Unis. Avec 50 000 yuans (environ 6 000 €) de capital de départ, il s’installe ensuite à Quanzhou (Fujian), la capitale chinoise de la production footwear.
Son travail se base bien plus sur une recherche algorithmique qu’un travail de design réel et construit. C’est en analysant des milliers de commentaires sur Alibaba qu’il repère une appétence pour les claquettes volontairement "moches", exagérées et potentiellement virales. Grâce à Midjourney, il génère des visuels à partir des tendances détectées sur TikTok. Les supports de vente et de communication sont aussi générés par IA sur Alibaba avant même d’avoir fabriqué un seul prototype. Les premières commandes lui servent à financer la création des produits réels.
Avec un prix de gros situé entre 40 et 50 euros et un taux de marge de 92 %, ces claquettes sont un exemple parfait de stratégie d’innovation produit pilotée par IA qui fait parler et inspire en Chine.
Nb: Cette actualité a d’abord été repérée via la publication Substack 增长黑客AI周报 (en chinois) ↘️
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